Vous est-il déjà arrivé de commencer à lire un livre et, dès la première page d'avoir immédiatement une mauvaise impression qui vous conduit à ne pas pouvoir prendre le livre au sérieux ? Sans même pouvoir expliquer pourquoi ? Ce sentiment, c'est l'impact de la mise en page du livre (parfois appelée maquette ou conception intérieure).
La mise en page d'un livre est l'un de ces éléments que la plupart des gens ne remarquent jamais... sauf si elle est mauvaise. Malgré sa simplicité apparente (ou peut-être à cause d'elle), la mise en page d'un livre est l'un des principaux facteurs qui distinguent les livres amateurs des livres professionnels.
La conception intérieure d’un livre est difficile
La mise en page intérieure est facile à négliger car il s'agit simplement de la mise en forme des mots sur une page. Si Google Docs le fait automatiquement… ça ne doit pas être bien difficile, non ?
Tout comme la conception de la couverture, ce qui semble facile est en réalité très difficile. Pour s’en rendre mieux compte, voici quelques-unes des décisions qui doivent être prises :
- le format (taille du livre)
- couleur ou noir et blanc
- autres considérations physiques (couverture souple ou rigide, type de papier, etc.)
- choix de la police de caractères
- marges des pages (haut, bas et côtés)
- décisions relatives à l'espacement (corps du texte, titres, et par rapport aux images)
- direction artistique et éléments de style
- présence ou non d’encadrés
- intégration ou non d’illustrations, de photographies ou d'autres images, et comment
Au-delà de ces considérations, il est aussi indispensable d’adopter une approche cohérente sur les pages dites « liminaires », comme la page de faux titre, la page de titre, et les mentions légales. Ces pages constituent le début du livre et ont des règles spécifiques à respecter, comme ne pas inclure de numéros de page même si ces dernières font partie de la pagination globale. Ces éléments sont à la fois techniques et esthétiques.
Il y a aussi tous les détails techniques de publication que le correcteur aurait dû repérer, mais qu'il n'a peut-être pas remarqués, comme s'assurer que vous utilisez les bons tirets aux bons endroits (les traits d'union, les tirets longs et les tirets courts ont tous des usages distincts). Il en va de même pour les guillemets (droits, courbes, etc.), les symboles mathématiques (× versus x) et presque tous les autres symboles auxquels vous pouvez penser (mais auxquels vous ne pensez pas).
Par exemple : saviez-vous que certaines polices et certains styles de justification du texte peuvent donner des maux de tête à vos lecteurs ? Votre maquettiste, lui, le sait. De même, saviez-vous qu'une rupture de paragraphe mal effectuée, laissant seulement une partie de la ligne sur la page suivante, peut perturber l'engagement mental des lecteurs avec votre contenu ? Ces fragments isolés sont appelés « veuves » et votre maquettiste sait comment les corriger.
Mais, en réalité, ce n'est qu'une petite partie du problème. La principale raison pour laquelle cette tâche est si compliquée et coûteuse est que personne ne veut s'en charger. La mise en page intérieure d'un livre est un travail fastidieux qui nécessite de nombreuses heures de travail de la part d'une personne possédant au moins de solides compétences de base en matière de conception. La plupart des designers se sont lancés dans ce domaine parce qu'ils aiment travailler sur des projets beaux et créatifs. La mise en page intérieure d'un livre comporte certes ces éléments, mais elle exige également beaucoup de précision et des considérations pratiques « ennuyeuses » auxquelles les créatifs n'aiment pas toujours être soumis.
Doit-on pour autant renoncer à la version imprimée d’un livre ?
Les livres imprimés demandent beaucoup de travail. Alors pourquoi s'embêter à les publier ? Eh bien, c’est simple : il faut les publier précisément parce qu'ils demandent beaucoup de travail. Le marché du livre est inondé chaque jour par des milliers de nouveaux auteurs. Comme vous le savez, il peut être difficile de se démarquer.
Parce que réaliser un bon livre imprimé est difficile et qu’il est embarrassant de publier un mauvais travail, de nombreux nouveaux auteurs renoncent à relever le défi et se contentent de publier au format ebook. Et les lecteurs semblent l’avoir déjà compris : dans de nombreux cercles, cela a commencé à créer une ligne de démarcation entre les livres qui doivent être pris au sérieux et ceux qui ne le doivent pas.
Beaucoup de gens considèrent les ebooks comme des « faux livres » et les rejettent au profit de livres imprimés. Si vous écrivez un livre professionnel, c’est même crucial : vous ne pouvez pas vraiment distribuer (ou vendre) un livre électronique lors d'une conférence ou d'une prise de parole en public.
Créer une version papier ou reliée de haute qualité est l'un des moyens les plus efficaces de vous assurer que votre livre sera pris au sérieux et considéré comme un « vrai » livre. Si la crédibilité est l'un de vos principaux objectifs, il ne faut donc pas sauter cette étape.
Les principaux éléments de la maquette intérieure d’un livre
Les marges des pages
L'un des principaux éléments de toute conception est ce qu'on appelle « l'espace négatif ». Il s'agit de l'espace vide. Pour l'intérieur de votre livre, il s'agit des marges entre le texte et le bord de la page.
Les marges extérieures permettent au lecteur de tenir le livre sans couvrir les mots.
La marge intérieure garantit que le texte ne glisse pas dans la zone de reliure et ne devienne pas difficile à lire.
La marge supérieure est réservée au titre du livre, au nom de l'auteur ou au titre du chapitre ou de la partie en cours, parfois au numéro de page.
La marge inférieure offre un espace blanc qui équilibre le reste de la page et sert aussi souvent au numéro de page. Traditionnellement, les quatre marges sont de taille similaire, bien que la marge intérieure est souvent 25 à 50 % plus large que les trois autres.
À noter que pour un format classique tel que le livre de poche ou le A5, il est conseillé de respecter des dimensions précises pour s’assurer du confort de lecture. Par exemple, un livre de format A5 peut avoir des marges de 1,5 cm à 2,5 cm, auxquelles une marge supplémentaire de reliure est à ajouter (généralement entre 0,5 cm et 0,6 cm).
La typographie
Examinons maintenant les choix typographiques et les polices. Les polices de caractères représentent un domaine incroyablement complexe et très important pour les livres. Les livres professionnels sont souvent composés avec des polices telles que Garamond, Baskerville, Times New Roman, Sabon, Caslon ou Utopia.
Il s'agit généralement de polices à empattement (avec des traits décoratifs comme Times New Roman), car elles permettent de structurer le texte et permettent à l'œil de se déplacer librement et rapidement sur la page. Les polices sans empattement (telles que Arial) sont plus difficiles et fatigantes à lire, mais constituent d'excellentes options pour les titres et les en-têtes, car elles permettent de séparer visuellement le contenu de votre livre en sections.
La police que vous choisissez doit être clairement lisible (souvent sans serif) et inclure les italiques, le gras et les petites capitales. Une taille confortable pour la plupart des livres est une police de 11 points. Pour des publics spécifiques, comme des lecteurs seniors ou très jeunes, la taille de la police peut être ajustée à 14 ou même 16 points. Cependant, veillez à ne pas aller trop au-delà pour éviter des mises en page peu esthétiques.
Le format
Il n'y a pas de règles strictes concernant la taille des livres, mais il existe des tendances générales. Les deux formats de livres les plus communément utilisés en France sont : le format à la « française » avec une orientation du texte en portrait et le format à « l’italienne » où le texte est disposé en paysage.
Plus haut que large, le format à la française d’un livre est l’équivalent du format portrait d’une illustration ou d’une photo. Les dimensions les plus courantes sont les suivantes :
- Format livre de poche : 11 x 18 cm (parfois 13x18)
- Format digest : 14 x 21,6 cm ou 14x21,8 (A5)
- Format roman :15 x 21 cm (proche du A5 aussi)
- Format royal : 16 x 24 cm
- Format A4 : 21 x 29,7 cm
À l’inverse, le format d’un livre dit « à l’italienne » est normalement plus large que haut. Et les formats carrés sont également considérés comme faisant partie des formats à l’italienne dont voici les tailles les plus fréquentes :
- Format digest : 21.6 x 14 cm
- Format roman A5 : 21 x 15,1 cm
- Format A4 : 29,7 x 21 cm
- Les formats carrés de 15 x 15 ou 21 x 21 cm
Selon leur manière de travailler et la nature du papier utilisé, les imprimeurs professionnels proposent en général des formats de livre optimisés pour éviter les pertes. C’est ce qui explique la relative homogénéité des tailles de livres dans l’édition.
Comment créer une mise en page de livre
Comme pour la plupart des étapes de ce processus, vous avez deux options : vous pouvez le faire vous-même ou faire appel à un professionnel.
Créer soi-même sa maquette de livre
Une mise en page qui est faite par un amateur peut changer la perception de votre livre, dans le mauvais sens. Mais si c'est la seule option qui vous convient financièrement, il existe plusieurs façons de réaliser vous-même la maquette de votre livre.
Si vous voulez vraiment vous lancer, vous devez apprendre à utiliser le logiciel Adobe InDesign (ou sa version open source Scribus), ainsi que les bases de la typographie et du design professionnels. Soyons clair : ne le faites pas si vous accordez de la valeur à votre temps.
Il existe aussi une application beaucoup plus conviviale appelée Vellum. Vellum n'est pas gratuit et n'est disponible que sur Mac, mais c'est le meilleur outil disponible pour ceux qui aiment bricoler sur ordinateur. Et il permet de générer à la fois des fichiers PDF pour impression et des fichiers ebook. La qualité de la mise en page imprimée reste moyenne, mais elle est supérieure à ce que vous pourriez faire vous-même ou en engageant un graphiste/maquettiste bas de gamme.
Par ailleurs, certains outils comme WriteControl permettent de simplifier toute la mise en page grâce à une plateforme en ligne. Ces logiciels proposent souvent des fonctionnalités automatiques, comme la création de pages liminaires et la gestion des numéros de page, pour un coût relativement abordable.
Engager un professionnel de la mise en page de livre
C’est la meilleure solution mais c’est aussi la plus coûteuse. Il existe de nombreux freelances graphistes/maquettistes qui travaillent pour des maisons d’édition ou pour des agences et qui seraient ravis de mettre leur savoir-faire directement au service des auteurs. Il faut alors compter entre 800 et 2000 euros environ, selon la taille du livre (format, nombre de pages, et le niveau de complexité de la mise en page).
Dans tous les cas, il vous faudra relire la maquette, une fois le livre entièrement « monté » par le graphiste. Car même les meilleurs maquettistes peuvent se tromper de niveau de titre, copier par erreur deux fois la même phrase, se tromper dans les en-têtes ou encore laisser des « veuves » (dernière ligne d'un paragraphe qui apparaît toute seule en haut d'une page) et des « orphelines » (première ligne d'un paragraphe, isolée en bas d'une page), etc. Dans une maison d’édition, la maquette est toujours relue avant envoi à l’impression. Vous avez donc tout intérêt vous aussi à faire ce travail.